La CFTC préconise de limiter le forfait jour aux qualifications les plus élevées
Le forfait jour a été créé initialement pour les salariés dits “en autonomie complète”, capables d’organiser eux-mêmes leur temps de travail, souvent dans des fonctions de direction de projet ou commerciales, et percevant des rémunérations élevées (notamment avec une part variable).
Il s’agit essentiellement d’un aménagement du temps de travail, une modulation « à la main du salarié », permettant de s’affranchir des horaires collectifs. Ce dispositif n’a jamais eu pour vocation de contourner la durée légale du travail pour imposer des semaines bien au-delà des 35 heures.
Pourtant, de nombreux employeurs ont perçu le forfait jour comme un moyen de faire travailler davantage leurs salariés pour un salaire identique. Ce phénomène était initialement limité par les niveaux de rémunération requis pour accéder à ce dispositif.
Des dérives inquiétantes dues à des évolutions législatives
Malheureusement, deux modifications législatives ont amplifié les dérives :
- Une définition trop large des bénéficiaires. Il suffit désormais d’occuper un emploi “dont on ne peut prévoir à l’avance les horaires”. Cette formulation peut potentiellement couvrir tout poste dans une entreprise.
- La suppression de la hiérarchie des normes. Désormais, une entreprise peut conclure un accord de temps de travail moins favorable que la convention collective. Concrètement, un employeur peut imposer le forfait jour à tous ses salariés, sans condition de salaire. Cela constitue un danger majeur pour les employés comme pour les entreprises.
Une opposition ferme de la CFTC
La CFTC s’est immédiatement opposée à ces évolutions. Nous avons proposé des dispositions garantissant un salaire minimum élevé pour les salariés sous forfait jour, au niveau des branches. Cependant, les autres syndicats n’ont pas soutenu cette initiative. Résultat : le forfait jour s’est largement répandu, notamment dans les entreprises où les syndicats sont absents.
Les besoins des entreprises et des salariés
Les entreprises plébiscitent le forfait jour pour des raisons légitimes :
- Gérer les fluctuations de charge de travail, fréquentes dans de nombreux secteurs.
- Éviter la complexité du contrôle et de la mesure stricte du temps de travail, notamment lorsque les horaires collectifs sont difficilement applicables.
Cependant, certaines pratiques abusives persistent :
- Faire travailler les salariés davantage pour une rémunération inchangée, y compris les dimanches et jours fériés.
- Échapper aux contrôles de l’inspection du travail sur les horaires.
Côté salariés, le forfait jour est perçu comme un gage de liberté et de reconnaissance, à l’instar du statut cadre. Toutefois, il comporte des risques importants : surcharge de travail, burn-out, et augmentation du temps de travail effectif pour une rémunération identique.
Un piège pour les deux parties
Le forfait jour peut rapidement devenir un piège pour les salariés non protégés par des salaires élevés ou des responsabilités importantes. Par ailleurs, les employeurs eux-mêmes s’exposent à des risques juridiques. En cas de non-respect des obligations légales liées au forfait jour (entretiens spécifiques, suivi des charges de travail), les tribunaux peuvent requalifier les contrats en contrats soumis à la durée légale de 35 heures. Les employeurs doivent alors justifier le non-paiement des heures supplémentaires, des dépassements d’horaires ou encore des sollicitations abusives.
Ces litiges, omniprésents devant les prud’hommes, conduisent presque toujours à la condamnation des entreprises, et certaines ont même fait faillite à cause de ces pratiques.
Une législation illégale au regard du droit européen
Le forfait jour, dans sa version actuelle, est une exception française. Il contrevient au droit européen. Conscients des risques, certains acteurs, comme les dirigeants du Syntec, cherchent déjà des solutions alternatives.
Notre proposition : un forfait annuel en heures avec horaires souples
Pour répondre aux besoins des entreprises et des salariés, la CFTC propose de remplacer le forfait jour par un forfait annuel en heures, assorti de modalités flexibles :
- Un nombre d’heures défini à l’année. Toute heure effectuée au-delà devient une heure excédentaire.
- Des limites quotidiennes et hebdomadaires. Les heures excédentaires doivent être récupérées sous forme de jours (à l’instar des RTT).
- Une rémunération des heures non récupérées. En fin d’année, ces heures deviennent des heures supplémentaires et sont payées en conséquence.
- Des plages horaires adaptées. On prévoit des plages obligatoires (ou de disponibilité en distanciel) et des plages flexibles à la discrétion du salarié, sous réserve de respecter le total d’heures prévues.
Ce dispositif offre une gestion souple des fluctuations de charge, permet la récupération des heures supplémentaires et maintient des plages communes de travail. Il est compatible avec les temps partiels et le télétravail, tout en lissant la rémunération sur l’année. Chacun y trouve son compte, y compris les managers.
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Note : La référence au dimanche dans la dernière partie a été clarifiée en mentionnant la négociation de la CFTC pour le doublement du salaire.